Les enjeux de la filière bois

Pour accompagner son développement et répondre aux défis économiques, environnementaux et sociaux, la filière bois guyanaise s’appuie sur plusieurs axes stratégiques majeurs.

Enjeu 1 : Économique

Répondre à une demande croissante dans un contexte de surcoûts structurels

La Guyane connaît une croissance démographique que les prévisions INSEE projettent comme persistante jusqu'à 2030. Cette augmentation génère une demande croissante en bois de construction et de rénovation, ainsi qu'en bois d'énergie. Les données récentes montrent une tendance impressionnante : selon le rapport ONF de 2024, le volume de bois utilisé a déjà doublé en 10 ans et devrait tripler d'ici à 2028, ce qui est une dynamique sans précédent.

Cependant, la filière bois guyanaise fait face à des surcoûts structurels importants. Les coûts de gestion et d'exploitation forestière sont particulièrement élevés, notamment en raison de l'éloignement géographique, de la complexité du terrain et de la nécessité d'investir continuellement dans l'infrastructure routière forestière.

La filière souffre également d'une forte dépendance à la commande publique, puisque ses principaux débouchés découlent historiquement de la commande de l'État et des collectivités. Cette dépendance la rend vulnérable face à la concurrence du bois importé, provenant notamment du Suriname et du Brésil, ainsi que face à la concurrence d'autres matériaux de construction. Cette situation rend difficile la revalorisation des prix des sciages guyanais.

Un enjeu supplémentaire réside dans l'absence actuelle de filière de valorisation des connexes de l'exploitation forestière et des connexes de scierie. Cependant, depuis 2020, des progrès ont été réalisés avec la mobilisation de 50 000 tonnes annuelles de bois énergie, représentant un potentiel de croissance pour améliorer la rentabilité globale de la filière.

Enjeu 2 : Innovation

Tripler la production et restructurer la filière autour de nouveaux débouchés

Le Programme Régional Forêt-Bois (PRFB), adopté en 2018 et copiloté par l'État et la Collectivité Territoriale de Guyane, fixe un objectif stratégique majeur : tripler les volumes de bois d'œuvre exploités, passant de 80 000 à 210 000 mètres cubes par an d'ici à 2030. Cet objectif ambitieux requiert des investissements massifs en infrastructure.

Au cœur de cette stratégie de croissance se trouve le développement de la filière bois-énergie et biomasse. Depuis 2020, la filière a déjà commencé à mobiliser des connexes d'exploitation en bois énergie pour environ 50 000 tonnes annuellement. Le potentiel électrique issu de la biomasse sur la Guyane est estimé à 40 mégawatts. Cette nouvelle filière permettra de valoriser les coproduits de l'exploitation et du sciage de bois d'œuvre, et donc d'améliorer les marges commerciales globales de la filière.

Pour assurer cette croissance de manière durable, le PRFB prévoit également le développement de plantations forestières à moyen et long terme. Ces plantations pourraient offrir une source d'approvisionnement plus facilement mobilisable que le bois des forêts naturelles, plus proche des outils de transformation et à moindre coût logistique.

Dans cette même optique, un meilleur positionnement commercial des bois guyanais s'impose comme impératif. Cela passe par une meilleure valorisation à l'export et sur le marché local, par l'amélioration du marketing et de la communication autour de la marque « Bois de Guyane française ». À ce titre, une obligation d'utiliser le bois dans les constructions publiques et les constructions financées par des fonds publics a été inscrite dans les accords de Guyane depuis 2017.

Enfin, la stratégie ne peut être opérationnelle que si elle est découpée en plusieurs phases et envisagée sur une longue période. C'est pourquoi la formation et le développement des compétences occupent une place centrale, notamment par la formation aux techniques innovantes d'exploitation à faible impact.

Enjeu 3 : Environnemental

Concilier production et préservation de la biodiversité amazonienne

La forêt guyanaise, couvrant 96 % du territoire, représente un hotspot mondial de biodiversité avec plus de 1 600 espèces arbustives inventoriées et jusqu'à 300 à 350 espèces pouvant coexister sur un même hectare. La préservation de cet écosystème exceptionnel doit demeurer au cœur des décisions stratégiques.

La gestion forestière durable mise en œuvre par l'ONF en Guyane s'inscrit dans cette perspective de multifonctionnalité, conciliant la production de bois avec la conservation de la biodiversité et la préservation des usages traditionnels des forêts par les populations locales (Arawak, créoles, et autres communautés).

Le changement climatique pose cependant une question nouvelle et préoccupante pour le long terme. L'augmentation de la durée et de l'intensité des saisons sèches crée une vulnérabilité accrue pour de nombreuses espèces commerciales importantes. Cela signifie que les plantations forestières futures devront privilégier les peuplements multi-espèces plus résilients et donner la priorité aux espèces locales.

L'ouverture des pistes d'accès forestière, bien que nécessaire à l'exploitation, engendre des conséquences écologiques qui nécessitent une gestion attentive. En permettant l'accès à des endroits reculés, ces ouvertures dans la forêt peuvent amener d'autres usages non contrôlés. Pour maintenir des forêts de production riches et fonctionnelles, il est donc capital d'optimiser le tracé des pistes forestières et de maîtriser les usages qui en sont faits une fois l'exploitation terminée.

Enjeu 4 : Social

Préserver la dimension sociale et culturelle de la forêt

Pour la Guyane, la fonction sociale de la forêt revêt une dimension qui dépasse le simple accueil récréatif ou touristique. Elle représente un patrimoine vivant ancré dans l'histoire et l'identité des populations locales.

La préservation de cet écosystème et de l'authenticité du territoire doit demeurer au cœur des décisions stratégiques relatives à la filière bois. L'ONF met en place depuis 2020 une gestion forestière participative dans les territoires concernés, reconnaissant les droits d'usage collectifs des communautés vivant traditionnellement de la forêt.

Enjeu 5 : Gouvernance

Structurer et pérenniser la gouvernance de la filière

La Commission Régionale Forêt-Bois (CRFB), créée en 2017, est co-présidée par l'État et la Collectivité Territoriale de Guyane. Cette instance fédère les représentants des différents acteurs concernés.

Le Programme Régional Forêt-Bois (PRFB) 2018-2030 constitue le document cadre stratégique pour l'ensemble de la filière. Sur le plan des mesures de soutien, plusieurs dispositifs ont été mis en place : une aide pour la compensation des surcoûts de la filière, une aide nationale à l'investissement dans l'amont forestier, et l'extension des dispositifs fiscaux.